Fleur de Cendres by Sarah Delysle

Auteur:Sarah Delysle [Delysle, Sarah]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Gulf Stream
Publié: 2024-04-11T00:00:00+00:00

CHAPITRE 29

Etourdie par la musique, les lumières, les bavardages et les odeurs alléchantes des plats qui se succédaient, Angre commençait à se lasser de la fête. Jamais elle n’avait vu autant de monde rassemblé dans une demeure. Même les plus pompeuses des réceptions de son père ne comptaient pas tant d’invités. Léan d’Autun avait convié à ce banquet tous ceux qui travaillaient pour lui, qu’ils soient nobles, bourgeois ou simples paysans. Sur une estrade au centre de la salle à manger, des danseurs, des ménestrels et des jongleurs se produisaient à côté de la table du marquis. La musique et la plupart des numéros se révélaient de piètre qualité, ce que le maître des lieux ne semblait pas remarquer : il applaudissait chacun des artistes avec le même enthousiasme de mauvais goût.

Angre était assise un peu plus loin, à la table des suivantes. Craignant de dévoiler ses cicatrices par mégarde devant une telle assemblée, elle n’avait osé toucher ni à la nourriture ni à la boisson. Elle n’avait rien avalé depuis la collation prise à la hâte en milieu de journée, et son corps commençait à accuser le coup. Elle avait toutes les peines du monde à garder les yeux ouverts. La conversation de ses camarades de table l’aidait à rester éveillée : celles-ci échangeaient à mi-voix des commentaires légers sur des hommes et des femmes qu’Angre ne connaissait pas. Un certain Baudrin avait envoyé un mot d’amour à une dénommée Bathilde. Sendrée avait admis à demi-mot s’intéresser à une fille de cuisine. Edelète et Jaspen, un jeune écuyer, s’étaient embrassés. Jaspen avait fait davantage avec l’un des palefreniers du marquis.

Angre fut tirée de sa torpeur lorsque Olcha avoua sans trop se faire prier avoir embrassé Marl, le page du chevalier Mérault.

— Il est moins farouche que le bel écuyer qui lui tient compagnie, commenta Jiveka en jetant un regard en coin vers Angre.

Les suivantes éclatèrent de rire, et passèrent à un autre sujet. Leur liberté de ton et les aventures qu’elles semblaient avoir déjà vécues fascinaient Angre. Depuis le début de la soirée, trois d’entre elles avaient avoué avoir embrassé une personne à laquelle elles n’étaient pas fiancées. Elles ne le clamaient pas haut et fort, mais ne semblaient pas pour autant craindre de finir vouées aux Enfers. Même Jiveka s’était assez remise de sa désastreuse aventure avec le bibliothécaire pour participer activement à la conversation.

Angre avait toujours cru que pour les femmes, il n’existait pas d’amour en dehors du mariage. C’est ce qu’on lui avait toujours répété : qu’elle devrait aimer son mari, et personne d’autre. Elle se rendait compte à quel point son horizon avait été borné sur ce point. Aurait-elle dû côtoyer davantage de jeunes filles de son âge et passer moins de temps dans les livres, pour comprendre que les liens invisibles que tissaient les lois et les traditions étaient assez lâches pour qu’on puisse jouer avec sans aller jusqu’à les briser ? Sans doute, mais ça n’était pas aussi simple. Cette vie que menaient les jeunes filles du château d’Autun, Angre n’aurait pu la mener à Belmont.

Télécharger

Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.